[Drôme] ambiance 60’s à la Préfecture et à l’Hôtel du Département

C’est au cours des Journées du Patrimoine que j’ai eu l’occasion de visiter la Préfecture et l’Hôtel du Département de la Drôme. Si j’avais déjà vu passer des photos, cette plongée dans l’architecture et la décoration très 60’s des lieux a été une véritable découverte.

Durant la seconde guerre mondiale, la Préfecture de Valence a été détruite au cours de bombardements. Elle s’est ensuite installée dans des locaux provisoires. La construction d’un nouveau bâtiment a été lancée sur le site de l’ancienne citadelle et caserne Chareton au début des années 1960. Le projet est signé George Goldfard et Maurice Biny. Le bâtiment d’origine est très représentatif de l’architecture de cette période : dalles de béton, murs rideaux, escalier d’accès monumental.

A la fin des années 1980, un concours est lancé pour réaliser une extension, destinée à héberger les services du département qui, suite aux lois de décentralisation, ne dépendent plus de la préfecture. Le projet retenu est en courbes et contre-courbes, tranchant avec la linéarité du bâtiment d’origine. L’escalier monumental est détruit, un péristyle est ajouté, et l’accueil du public est complètement repensé.

Outre l’aspect architectural à proprement parler, c’est l’ensemble des éléments décoratifs qui plongent le visiteur dans une esthétique moderniste des années 1960. Panneaux de bois, métaux, verre et skaï se mélangent et nous propulsent dans un décor au charme d’un luxe désuet.

Dans la salle de l’assemblée départementale, un lustre monumental veille sur les délibérations et apporte une solennité supplémentaire aux pupitres de bois roux. Dans le grand salon, la hauteur sous plafond soulignée par les luminaires, la double exposition, les immenses baies vitrées et les couleurs chaudes des décors permettent de créer une ambiance à la fois conviviale et officielle.

En faisant le tour du bâtiment, on arrive du côté des appartement privés du préfet. Les baies vitrées, là encore, cassent la rigueur du bâtiment et baignent les lieux de lumière. Le hall d’entrée donne l’impression de se trouver dans le lobby d’un luxueux hôtel des années 60 et on ne serait que moyennement surpris d’y croiser James Bond sous les traits de Sean Connery. Un élégant paravent de métal dissimule habillement le vestiaire et l’accès aux sanitaires. Une toile de Cathelin apporte une touche de couleur sur le mur paré de pierre. Les pièces desservies reprennent les mêmes codes en les déclinant selon leur usage : salle à manger avec sa crédence, fumoir et sa cheminée… Chaque fois, une attention particulière a été apportée aux luminaires, dessinés spécialement pour les lieux. Tous les détails ont été pensés pour raconter la grandeur des institutions hébergées dans le bâtiment.

La visite se termine. Il est temps de revenir au XIXe siècle !

Le lustre de la salle de l’assemblée départementale
Le salon d’apparat
Accès extérieur des appartements privés du préfet
Le hall desservant la salle à manger et le fumoir
Dans le hall
Ambiance lobby d’hôtel 60’s !
Le plafond de la salle à manger et le mur du fumoir
Bois et alu pour la rampe de l’escalier
Le grand salon d’apparat
L’escalier de l’extension pour le conseil départemental et son puits de lumière

Préfecture et hôtel du département de la Drôme – septembre 2021

[exposition] Philolaos, dans l’atelier du sculpteur

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L’exposition temporaire de cet hiver au Musée de Valence est consacrée au sculpteur Philolaos. Ce dernier est en effet connu ici pour être le concepteur des deux châteaux d’eaux qui dressent leurs silhouettes courbes et élancées dans le ciel valentinois et dont on célèbrera bientôt les 50 ans.

Philolaos est un sculpteur grec, formé à l’école classique des Beaux-Arts d’Athènes juste après la deuxième guerre mondiale et qui s’est installé à Paris au début des années 1950. Il poursuit alors son apprentissage de la sculpture et s’affranchit progressivement des lignes classiques pour aller vers une abstraction de plus en plus nette.

Au début des années 1960, il rencontre l’architecte André Gomis avec qui il collaborera à de nombreuses reprises, en particulier donc sur les châteaux d’eaux de Valence réalisés dans le cadre de l’aménagement de la ZUP de Fontbarlettes. Il travaille à partir de là avec de nombreux architectes et paysagistes, intégrant ses sculptures monumentales dans les espaces nouvellement créés : villes nouvelles, quartiers à urbanisation massive, ou encore quartiers d’affaires. Il crée ainsi trois oeuvres pour le quartier de la Défense dont la fontaine des Nymphéas et l’Oiseau Mécanique.

L’exposition présentée à Valence s’attache à nous présenter un côté moins monumental et plus intime de l’artiste. Quelques croquis issus de ses années de formation athéniennes donnent à voir la rigueur de l’apprentissage classique. Quelques bustes, plus ou moins abstraits, permettent d’appréhender le travail sur la matière (céramique, plomb, bronze..), et la façon pour Philolaos de l’utiliser, d’en tirer parti.

L’exposition présente aussi de nombreux « bois-reliefs », tableaux en trois dimensions de bois tournés et de bois flottés, réalisés lorsque Philolaos retourne en vacances en Grèce et utile ce dont il dispose sur place pour exprimer sa créativité : le bois déposé par la mer sur plage, les outils de menuiserie et de tournage sur bois de son père…. Ses petits tableaux, tellement éloignés de l’image que l’on peut se faire des oeuvres de Philolaos, ont été un véritable coup de coeur. Qu’ils soient figuratifs ou abstraits, ils dégagent une jolie poésie, une invitation au voyage, à la contemplation, à la méditation.

Puis, il est question de la découverte de l’acier inoxydable : un matériau rigide qui vrille pourtant naturellement, un matériau à dompter, un formidable terrain d’expression pour l’artiste. Il en fera son matériau de prédilection, multipliant les usages, tant en oeuvres monumentales qu’en mobilier et objets pour sa maison.

En effet, Philolaos concevra sa maison, la construira et fabriquera lui-même une grande partie du mobilier et des aménagements de celle-ci. On peut ainsi qualifier la maison de l’artiste d’oeuvre totale où tout devient prétexte à création : les meubles, la vaisselle, les objets…. On découvre ainsi les meubles de la salle à manger, des couverts, des fauteuils, le coffre pour cacher la télévision, des bouteilles, … Leurs lignes sont à la fois d’une sobriété très moderne et d’une esthétique futuriste très marquée dans les années 70.

Enfin, on découvre de nombreuses maquettes pour des réalisations monumentales : les châteaux d’eau de Valence (forcément !), des fontaines, des sculptures pour des parcs, des statues magistrales…. Parfois, plusieurs versions sont présentées, témoins du cheminement de la pensée créative de Philolaos.

Je suis ressortie de l’exposition sous le charme des bois-reliefs et des créations en arts décoratifs, en particulier la vaisselle et les bouteilles en inox. J’ai pu découvrir la facette plus intime de cet artiste dont je connaissais déjà quelques oeuvres monumentales et c’est cette facette qui m’a le plus touchée.

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Oeuvres de Philolaos en béton avec ruban d’acier (au 1er plan) et en acier (au 2nd plan) dans la cour du musée

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Les Jumelles, sculpures en plomb

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Buste en bronze

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Vers l’abstration…

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Les « bois-reliefs »

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Les « bois-reliefs » – détail

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Les « bois-reliefs » – détail

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La découverte de l’inox

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Etude pour un portail pour le Technocentre Renault de Guyancourt (78) / maquettes de statues : Christophe Colomb, Georges Pompidou, Pierre de Coubertin, Antoine de Saint-Exupéry

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La salle à manger, mobilier et vaisselle de la maison de Philolaos

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Etude pour un animal imaginaire en béton et ruban d’acier

Exposition « Philolaos, dans l’atelier du sculpteur » – Musée de Valence – Drôme – février 2020

 

(*) L’exposition se tient au Musée de Valence jusqu’au 8 mars 2020. Il s’agit de la première exposition retraçant l’ensemble de la carrière de Philolaos présentée dans un musée français.