
Cela faisait un moment que j’avais envie de visiter la Villa Cavrois, et j’ai profité de mon passage à Lille pour y aller (elle était même la raison première de la prolongation de mon déplacement professionnel sur le week-end !). Comme j’avais vu passer déjà des dizaines de photos de cette villa sur les réseaux sociaux, je craignais malgré tout d’être un peu déçue en me confrontant à la réalité des lieux. Je vous préviens tout de suite (#SpoilerAlert), cela n’a pas du tout été le cas !
Quand j’avais lancé l’idée de rester à titre personnel un jour de plus à Lille (un samedi qui suivait un déplacement professionnel sur le jeudi/vendredi) pour aller visiter la Villa Cavrois, j’ai immédiatement deux collègues qui ont trouvé que l’idée était bonne et ont souhaité se joindre à moi. C’est donc avec elles deux que je suis partie en métro de la gare de Lille Flandres pour rejoindre Croix et l’arrêt Villa Cavrois (difficile de se tromper d’arrêt !). Du métro, il faut marcher une petite dizaine de minutes pour rejoindre la villa, en traversant un quartier résidentiel aux belles demeures.
Comme nous discutions, le trajet nous a semblé très court et nous n’avons pas tardé à arriver en vue de la Villa Cavrois, dans une avenue bordée d’arbres. Dès le pavillon d’accueil, nous sommes plongées dans l’univers Art Déco des lieux.
Mais la première vraie surprise est à venir. En effet, alors que nous entrons dans le jardin pour nous diriger vers la villa, je suis frappée de la taille de celle-ci : elle est immense ! Un coup d’oeil au livret de visite nous apprendra qu’elle fait plus de 1800 m2 habitables, et qu’elle mesure plus de 60 m de long.
Elle a été conçue par l’architecte Mallet-Stevens comme un véritable château moderne pour Paul Cavrois, riche industriel du textile. Au départ, Paul Cavrois fait établir des plans par un architecte local dans le style néo-régionaliste qui est à la mode, pour sa future maison de Croix, dans la banlieue de Roubaix où se situent ses usines. Il ne retiendra finalement pas ce projet et donnera carte blanche à Robert Mallet-Stevens, architecte avant-gardiste, dont la seule contrainte sera le budget. Nous sommes en 1929 et la villa sera inaugurée 3 ans plus tard, lors du mariage d’une des filles de Paul Cavrois.
La villa est un véritable manifeste de la pensée architecturale de Mallet-Stevens. Il ne se contentera d’ailleurs pas d’en imaginer les volumes : il concevra également l’ensemble du décor et du mobilier. Il réalise ainsi une « œuvre totale », selon un concept qui s’est progressivement développé dans les milieux artistiques depuis la fin du XIXe siècle et où un art ne peut pas s’envisager sans ceux qui lui sont complémentaires, l’œuvre étant l’aboutissement de la réunion de ceux-ci en une unité cohérente (c’est par exemple ce concept qui conduire Gropius à fusionner les écoles des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs donnant naissance au Bauhaus, ou qui guidera les réalisations de Le Corbusier).
Ainsi, Mallet-Stevens livre une maison moderniste, aux volumes dépouillés, aux nombreux toits-terrasses, et aux équipements à la pointe de la technologie de l’époque (téléphone, ascenseur, horloges électriques dans chaque pièce, chauffage central… ). Les espaces d’apparat sont luxueux, du choix des matériaux au raffinement de leur mise en œuvre sans ostentation. Les espaces de service sont rationnels, fonctionnels, et font la part belle aux équipements ménagers (placards intégrés, monte-plat desservant jusqu’aux toits-terrasses, triple robinetterie avec eau froide/eau chaude mais aussi eau adoucie pour le rinçage de la vaisselle en évitant les traces de calcaire…). De larges baies vitrées dans l’ensemble des espaces assure un éclairage naturel optimal tout au long de la journée.
Alors que nous passons d’une pièce à l’autre, l’agencement de celles-ci, leur mobilier fonctionnel, les vastes espaces de vie permettent de très facilement se projeter dans la vie de la maisonnée. C’est ce genre de lieu où, instinctivement, vous vous sentez bien et réussissez sans peine à imaginer comment vous y vivriez…
Pourtant, la Villa Cavrois revient de loin. Au décès de Mme Cavrois en 1985, la villa est vendue à un promoteur qui souhaite lotir les 5 hectares du parc (ce qu’il fera en partie). La villa est laissée à l’abandon et vandales et pilleurs s’en donnent à cœur joie. Son état se dégrade rapidement, et son classement au titre des Monuments Historiques en 1990 ne suffit pas à rectifier le tir. Finalement, la villa est rachetée par l’état en 2001 avec une partie du parc. S’en suivront 13 ans de recherches et de restauration pour finalement restituer la Villa Cavrois dans son état d’origine, ou presque : dans les années 1950, Paul Cavrois avait fait installer deux appartements pour ses fils dans une aile de la maison dans le style De Stjil néerlandais (le mouvement artistique auquel appartient Piet Mondrian).
Après avoir parcouru les intérieurs, nous nous dirigeons vers le parc. En chemin, nous faisons une halte au bord du bassin de nage (où, compte-tenu de la chaleur, nous ne serions pas contre un petit bain…). Puis, nous allons jusqu’au bout de la perspective dessinée par le grand bassin du jardin afin de contempler le reflet de la villa dans le miroir d’eau…
Aucun doute n’est plus possible : la Villa Cavrois est un château moderne !











Villa Cavrois – Croix – Nord – juin 2022
(*) La Villa Cavrois est gérée par le Centre des Monuments Historiques. Vous pouvez retrouver l’ensemble des informations pratiques concernant les visites sur le site internet de la villa.