Je n’étais allée qu’une seule fois à la Biennale d’art contemporain de Lyon, et c’était en 1997 ! Depuis que je me suis installée dans la Drôme, à chaque édition, je me disais qu’il faudrait que j’aille y faire un tour, sans jamais réussir à trouver le bon moment. Cette année, j’ai repéré les affichages à la gare de Lyon Part Dieu à la fin de l’été. Chaque jour, ils me servaient de rappel alors, début octobre, j’ai pris le train un samedi, direction Lyon avec en point de mire deux lieux d’exposition : les Usines Fagor et le Musée Guimet. En effet, si en 1997, l’intégralité de l’exposition avait lieu dans un unique lieu (à l’époque, la Halle Tony Garnier), elle est maintenant éclatée entre une douzaine d’endroits dans la ville dont six payants (outre ceux où je suis allée, il y a aussi le Musée d’Art Contemporain, Lugdunum, le musée Gadagne et le musée de Fourvière).

Les Usines Fagor
J’ai choisi de commencer ma journée à la biennale par les Usines Fagor où je suis arrivée quasiment à l’ouverture. Situées dans le quartier de Gerland, cet ancien site industriel accueille temporairement des manifestations culturelles et c’est la seconde fois que la biennale d’art contemporain y pose ses œuvres. Il s’agit du principal lieu d’exposition de cette édition 2022. Après avoir pris mon billet, j’entre dans le premier hall d’exposition. En effet, la biennale a investi plusieurs bâtiments dans les anciennes usines et le parcours se répartit autour de sept halls, abritant chacun une ou plusieurs œuvres.
Comme dans toute exposition multi-artistes de cette envergure, il y a des œuvres qui me laissent relativement indifférente tandis que d’autres me fascinent complètement. Assez rapidement, je sors un stylo pour noter d’un petit cœur les réalisations qui me plaisent le plus. Il n’y en aura finalement pas tant que ça (un coup de cœur, cela doit se mériter ! ). Face à l’immensité des lieux, et au nombre d’œuvres présentées, je pense que j’en loupe quelques-unes (cela sera confirmé ensuite lors d’un échange que j’aurais avec Melle 3e qui a visité les mêmes lieux dans le cadre d’une sortie scolaire et me parlera d’œuvres que je ne me souviens pas avoir aperçues). Mais qu’importe puisque je ne cherche pas l’exhaustivité !
Le travail photographique de certains artistes est complètement noyé dans la masse et l’immensité des lieux et des autres installations, parfois monumentales ou complètement immersives. Je note toutefois les natures mortes de Buck Ellison, dont la présentation sur fond de papier peint ancien tranche singulièrement avec le côté très brut des lieux.
Le hall numéro deux entraine le visiteur au cœur des manifestations à Bogota, au pied du Monumento a los héroes, symbole des luttes sociales, détruit en 2021, dans une œuvre de Daniel Otero Torres. Plus loin, le hall numéro trois continue à tisser les liens entre art et société avec des installations sur le thème des migrations de population, et de l’accueil des étrangers en partant d’un texte d’Eschyle écrit il y a 2500 ans (comme quoi ce thème est universel…). C’est dans ce même bâtiment que l’on croise une installation de Nadia Kaabi-Linke, toute en fragilité, écho au sous-titre de cette biennale : « Manifesto of fragility ». On peut d’ailleurs noter que le choix même des lieux, désaffectés, entre en résonance avec le thème.




L’un de mes trois plus gros coups de cœur, je l’ai rencontré dans le hall numéro quatre… Là, l’artiste belge Hans Op de Beeck a complètement investi l’espace dans une installation totalement immersive. We were the last to stay plonge le visiteur dans un monde monochrome gris. J’ai l’impression de me retrouver dans un univers post-apocalyptique d’où toute forme de vie s’est évaporée. J’ai en plus la chance d’être presque seule au milieu de l’œuvre, renforçant encore cette impression d’être à la fois ici et ailleurs, maintenant et jamais. Je suis restée un très long moment, complètement fascinée par cet univers .


Mon second gros coup de cœur aux Usines Fagor est arrivé dans le hall numéro six, au milieu des œuvres de Julian Charrière, un artiste suisse inspiré par la minéralité des milieux naturels. Plongé dans l’obscurité, une installation monumentale combinant vidéo, sculpture et ambiance sonore évoque la désorientation de l’homme face à l’immensité des paysages glaciaires. Pour ma part, j’ai été complètement hypnotisée par l’effet induit par la vidéo projetée avec le bloc de pierre carotté au premier plan (au point de m’asseoir au sol pour mieux me laisser happer par l’installation !).

La visite se termine par le plus grand hall, abritant plusieurs dizaines d’œuvres variées. Beaucoup d’entre elles n’ont pas su me toucher. J’ai toutefois noté l’installation Standing by the ruins of Aleppo de Dana Awartani qui reproduit en carreaux de terre colorées le sol de la mosquée détruite d’Alep, et qui entre en écho avec les fenêtres peintes en couleur du bâtiment. J’ai aimé l’effet produit par les pièces de la collection du Musée des Hospices Civils de Lyon déposées le long des parois de containers. J’ai aussi retrouvé avec plaisir les Moss People de Kim Simonsson que j’avais déjà croisé à Lille où ils étaient exposés en version géante le long de la rue Faidherbe dans le cadre de Utopia.



Le musée Guimet
Après avoir déjeuné rapidement en sortant des Usines Fagor, je me suis dirigée vers le musée Guimet. Après avoir un temps abrité les collections d’arts asiatiques d’Emile Guimet (celles-ci seront transférées à Paris dans un bâtiment construit à l’identique) puis été utilisé comme patinoire, le musée deviendra pendant une centaine d’années le musée d’histoire naturelle de la ville de Lyon. Il a fermé ses portes en 2007 et ses collections ont été transférées au musée des Confluences. Le bâtiment est depuis à l’abandon. La biennale a investi les différents espaces de l’ancien musée, faisant une nouvelle fois résonner un lieu désaffecté.
Tout au long de la visite, on se retrouve face aux vestiges de l’ancien musée : panneaux explicatifs, compactus dans les anciennes réserves, couloirs obscurs vidés de leurs dioramas, vitrines poussiéreuses, verrière et plafonds abîmés. Les lieux n’ont pas été rénovés (du moins, ils l’ont été a minima afin de garantir l’accueil du public selon les normes de sécurité), offrant une étrange impression de pénétrer dans un lieu interdit, délabré, fragilisé par le temps. Quelques œuvres ont bien entendu retenu mon attention, mais c’est sans doute cette atmosphère qui m’a le plus enchantée avec son ambiance un peu urbex qui sollicite non seulement la vue mais aussi l’ouïe et l’odorat…





Parmi les œuvres que j’ai notées, il y a les étranges cocons de Tarik Kiswanson accrochés au plafond d’une ancienne salle d’exposition, les sculptures en céramique de Nicki Green déposées dans les circulations techniques désertées ou encore Impulse, installation sonore et lumineuse in situ d’Evita Vasiljeva dans les réserves vidées.



Mais, mon gros coup de cœur parmi les œuvres installées au Musée Guimet, c’est Grafted Memory System qui occupe l’intégralité de l’espace sous la verrière. Ugo Schiavi a créé une installation immersive in situ composée d’éléments naturels et artificiels dans des vitrines, formant une œuvre vivante. J’ai eu l’impression de me promener dans un musée qui aurait été laissé à l’abandon (splendide écho au lieu !) et où la nature aurait partiellement repris ses droits. Les détails fourmillent, et l’ensemble est rehaussé par une bande son légèrement angoissante.



Après avoir exploré ces deux lieux, les deux plus grands de cette édition 2022, je n’ai pas eu envie de continuer à visiter d’autres lieux de la biennale. J’espère toutefois avoir le temps/l’occasion de découvrir les autres propositions avant la fin de la biennale le 31 décembre 2022 !
(*) L’accès aux différents lieux payants se fait avec une unique billet qui permet une entrée sur chaque site une fois durant toute la durée de la biennale.
Les tarifs et conditions de visite sont à retrouver sur le site internet de la biennale. J’ai par ailleurs aimé que les visiteurs soient incités à venir en transports en commun ou en vélo via un tarif réduit spécifique accessible sur présentation d’un casque de vélo, d’un abonnement aux transports en commun ou d’un billet de TER du jour.
Quelle richesse dans l’offre !
Mademoiselle est allée passer un week-end chez sa marraine lyonnaise et elles ont aussi parcouru différents lieux dont le musée Guimet (et elles ont vu des personnages verts au musée de Fourvière si j’ai bien compris)
Oui, il y a des Moss People un peu partout (y compris à Guimet d’ailleurs). La Biennale a vraiment pris de l’ampleur et propose des expositions très intéressantes.
Merci pour cette visite et ta sélection d’oeuvres à nous proposer
J’espère avoir du temps pour les autres lieux et pouvoir partager tout cela d’ici la fin de l’année !
Tu cites une partie de mes coups de coeur (les cocons, les feuilles de chêne, et l’oeuvre phare exposée à Guimet). J’ai adoré évoluer dans le « monde gris », je trouvais fascinant qu’il mette autant en valeur les visiteurs (par contraste).
Assez étonnement, alors que j’aime la montagne, je suis restée insensible à ton deuxième coup de coeur ; j’ai apprécié le travail de carottage (pour te dire sous quel angle j’ai abordé l’œuvre ^^), et le travail lumière/ombres, mais sans plus…
Mon best of de la biennale est toujours en chantier, ton billet me rappelle que le temps passe, et que je ne suis pas efficace… ^^
Pour la seconde, ce n’est pas chaque oeuvre qui m’a plu mais la façon dont elles entraient en résonance, ne formant plus qu’une seule oeuvre. De là où j’étais, j’avais l’impression que le carottage était en mouvement et s’enfonçait dans le glacier : c’était hypnotisant !