Si la culture bouge tout au long de l’année dans la Drôme, l’été arrive chaque fois avec son lot de belles expositions, mais aussi de concerts et de spectacle, en particulier en plein air. Cet été 2025 ne déroge pas, et les propositions que j’ai déjà pu tester ont une nouvelle fois prouvé que notre beau département sait accueillir des manifestations de qualité. Bien sûr, je n’ai pas encore coché toutes les cases de ma liste de découvertes pour la saison. Mais voici déjà un petit aperçu de ce que j’ai vu, en espérant vous inspirer si vous habitez ou passez dans la région au cours de l’été.

Deux expositions exceptionnelles au musée de Valence
Cet été, le musée de Valence nous gâte particulièrement avec des expositions et accrochages exceptionnels. Je vous ai déjà parlé de l’exposition des planches du livre Jazz d’Henri Matisse qui ont pris place dans la salle des arts graphiques. Deux autres expositions viennent actuellement agrémenter la visite du musée (qui, je le rappelle, vaut déjà la découverte même sans exposition spéciale).

Toros intime
Sur le plateau d’art contemporain, ce sont les œuvres du sculpteur Toros qui ont pris place. Ce sculpteur, d’origine arménienne est né à Alep en 1934. Il viendra s’installer dans la Drôme en 1967. Il finira par installer son atelier à Romans sur Isère, où il est décédé en 2020. Ses sculptures ont en commun des lignes fines et épurées, évoquant souvent le mouvement. Toros a réalisé de nombreuses sculptures pour l’espace public. On en retrouve ainsi à Valence, Romans, ou encore au bois des Naix à Bourg de Péage, mais aussi un peu partout en France ou à l’étranger (essentiellement en Syrie et en Arménie). Il a aussi imaginé de nombreux monuments au message plus politique, qu’il s’agisse de la mémoire des victimes du génocide arménien (par exemple à Valence), d’un hommage au groupe de résistants de Missak Manouchian (à Valence également) ou aux victimes des attentats de Romans sur Isère. Mais l’angle choisi cette fois par le musée nous invite à découvrir une facette plus intime de Toros, avec des œuvres de plus petite taille. J’ai aimé découvrir cet aspect de l’œuvre de Toros, empreint de douceur, et d’espoir.




Giacometti et les prêts exceptionnels du Musée d’Orsay
Le musée de Valence a la chance d’accueillir des prêts exceptionnels du musée d’Orsay. Ceux-ci sont habituellement présentés au musée Granet d’Aix en Provence où ils ont dû laisser temporairement la place à une grande exposition consacrée à Cézanne. Ce sont ainsi 22 œuvres d’artistes majeurs que l’on peut découvrir à Valence tout l’été. Parmi les artistes, citons Picasso, Nicolas de Staël, Chardin, Fernand Léger ou encore Bram van Velde. Mais le plus impressionnant, ce sont les œuvres de Giacometti, tableaux et sculptures formant un ensemble homogène des années 1940 à 1960. Le musée leur consacre d’ailleurs une salle monographique.

Bram van Velde
Je dois avouer que si j’avais déjà quelques fois eu l’occasion de voir des sculptures de Giacometti, jamais je n’avais été touchée par celles-ci. La dernière fois, c’était lors de ma visite du Musée Bourdelle à Paris où une sculpture de Giacometti était mise en parallèle de celles de Bourdelle qui a été son maître ou encore de Germaine Richier, également élève de Bourdelle. J’avais trouvé intéressant de visualiser la filiation et les points communs mais sans ressentir d’émotion particulière devant l’œuvre de Giacometti. Or, au musée de Valence, entourée des tableaux et des sculptures de l’artiste suisse, je crois que j’ai enfin saisi une partie de l’âme de ceux-ci.




Au fil des salles du musée
Les œuvres prêtées par le musée d’Orsay sont réparties dans différentes salles du musée. C’est donc aussi l’occasion de revoir certains tableaux mais également d’en découvrir d’autres, soit parce qu’ils sont nouvellement accrochés, soit parce qu’ils n’avaient jusqu’alors pas attiré mon regard. Et si vous visitez le musée pour la première fois, ne manquez surtout pas le panorama depuis la terrasse et celui depuis le belvédère.


Genesis, la magie des photos de Sebastião Salgado à Montélimar
Après les photographies de William Klein l’année dernière, le musée d’art contemporain de Montélimar accueille un autre photographe d’exception. C’est l’exposition Genesis du photographe franco brésilien Sebastião Salgado qui est en effet accrochée sur les murs de l’ancienne caserne Saint Martin. Ce photographe de renommée internationale est connu pour son travail de photojournaliste. Economiste, il a appris la photo en autodidacte au début des années 1970 et en a ensuite fait son métier. Il a parcouru le globe dans un souci de témoignage constant. Genesis est présentée pour la première fois en 2013, en même temps que sort le livre éponyme. Depuis, l’exposition circule de musée en galerie.

(on retrouve le même graphisme que pour Play play play de William Klein l’été dernier)
Genesis est le résultat de voyages photographiques ayant eu lieu entre 2004 et 2012. Cette exposition (une des expos photos les plus vues dans le monde) est un hommage à la beauté et à la fragilité du monde. C’est Lelia Wanick Salgado, l’épouse du photographe, qui se charge de la curation et de la scénographie. Rien n’est laissé au hasard pour mettre en valeur les images de Sebastião. Celles-ci, toujours en noir et blanc, toujours avec un grain rappelant celui des pellicules photo, présente des compositions percutantes. Le but est clairement de susciter des émotions, sans nécessairement s’accompagner de longues explications. La nature est belle et il faut donc la protéger.








Le caractère très épuré de la scénographie rend encore plus percutante les images.
(Et j’aime toujours autant les possibilités infinies de jeux de perspective au musée d’art contemporain de Montélimar)


L’Arménie du sacré, une exposition pour les 20 ans du Centre du Patrimoine Arménien
Sur les traces des arméniens de Valence
Cette année, le Centre du Patrimoine Arménien de Valence fête ses 20 ans. Depuis 2005, cet équipement culturel public (il dépend directement de Valence Romans Agglo) propose une programmation sur des thématiques à fort enjeu géopolitique pour aider à appréhender le monde contemporain. Migrations, conflits contemporains et vivre ensemble sont au cœur des sujets abordés au centre du patrimoine arménien. Le point de départ de l’exposition temporaire est l’exil du peuple arménien suite au génocide de 1915 et l’arrivée dans la vallée du Rhône. C’est l’occasion de comprendre ce qui différencie un génocide d’un massacre ou encore ce qu’est un apatride. Le visiteur découvre ensuite les raisons de l’installation massive d’arméniens à Valence et dans ses environs, les préjugés auxquels ils ont été confrontés et comment ils se sont intégrés tout en perpétuant leurs traditions, leur langue et leur religion.


une œuvre en hommage à celles et ceux qui ont du tout abandonner pour migrer ouvre l’exposition permanente – le parti pris est de regarder l’exil des arméniens dans les années 1920 à travers le prisme valentinois
L’Arménie du sacré à l’épreuve du temps
L’exposition temporaire anniversaire du Centre du Patrimoine Arménien a été conçue en collaboration avec la fondation Boghossian de Bruxelles et le Musée Arménien de France. Différents artistes contemporains, photographes et plasticiens, proposent leur vision du sacré dans l’Arménie d’aujourd’hui (ou plutôt leur regard actuel dans ce qui composait autrefois l’Arménie avant l’annexion par l’Empire Ottoman).

Lydia Kasparian pose un regard photographique autour du Mont Ararat. Petite-fille d’un exilé arménien formé à la photographie qui fondé le studio Boissière, fille de Roger Kasparian photographe des stars des sixties, Lydia découvre le pays de ses racines en 2020 seulement. Elle en ramène un reportage photographique à la fois contemplatif et mystique.

Pascal Convert est un plasticien qui travaille sur les sites archéologiques détruits. Après les Bouddhas géants de Bamiyan, il s’intéresse en 2018 aux katchkars du cimetière de Djoulfa, à la frontière de l’Azerbaïdjan et de l’Iran, détruits au cours des 30 dernières années pour des raisons idéologiques. Ces stèles funéraires massives sculptées d’entrelacs ont été datées du XIIe au XVIIIe siècle. Le cimetière en comptait environ 10 000 au début du XXe siècle et encore 3000 juste avant sa destruction systématique.

Antoine Agoudjian est un photo reporter qui nous entraine sur les traces de la mémoire des Arméniens. Du Mont Ararat au Haut Karabagh, ses images, tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc, renvoient un message de résistance et de transmission de cette mémoire partagée. En écho, des objets prêtés par le Musée Arménien de France rappellent l’héritage culturel millénaire de l’Arménie.


Des ateliers pour découvrir autrement
Tout au long de l’année, le Centre du Patrimoine Arménien propose des ateliers accessibles aux enfants et aux adultes. Entre ateliers créatifs, visites contées ou même visite apéro, il y a de quoi plaire à tout le monde. J’ai eu la chance d’être invitée pour découvrir un aperçu de ces différents ateliers et ils m’ont beaucoup plu. Mon coup de cœur va à l’atelier cyanotype qui permet facilement de repartir avec un tirage unique. J’ai aussi beaucoup apprécier la visite apéro qui se termine dans le patio pour un temps d’échange plus informel avec les équipes du centre.




Dans le patio / exemples d’ateliers créatifs
Le Barbier de Séville, en plein air à Grignan
Cela fait quelques années maintenant que je ne manque pas d’assister à l’une des représentations théâtrales de l’été dans la cour du château de Grignan. Chaque année, une nouvelle pièce est montée dans le cadre des Fêtes Nocturnes, portées par le département. Chaque année, c’est une production de qualité à partir d’un grand texte classique. Cet été, c’est Le Barbier de Séville qui a été choisi. Cela avait de quoi me plaire d’entrée de jeu car j’aime beaucoup cette pièce de Beaumarchais. Entre comédie pure et critique sociale, elle multiplie les punchlines et avait fait l’objet de plusieurs entrées dans mon carnet de citations au lycée.

C’est Jean-Philippe Daguerre qui signe la mise en scène. Dans la cour, une scène en forme d’arène donne une tonalité hispanisante. Mais le metteur en scène tire aussi parti du château, utilisant les fenêtres du premier étage pour figurer celles de la maison de Bartholo et des jalousies à travers lesquelles Rosine fait la connaissance d’Almaviva. La mise est en scène est vive, festive, joyeuse,… En un mot : jubilatoire. Les acteurs sont supportés par un musicien et une chanteuse qui reprennent les airs connus de l’opéra Le Barbier de Séville de Rossini durant les intermèdes. Le spectacle dure 1h45 mais on ne les voit pas passer, emportés par le tourbillon qui se joue sur scène.


Informations pratiques et autres suggestions
Pour ceux qui veulent découvrir ces propositions en vrai
- Musée de Valence : place des Ormeaux, 26000 Valence.
L’accrochage de Jazz d’Henri Matisse est visible jusqu’au 5 octobre 2025.
Jusqu’au 30 novembre 2025, le Musée de Valence accueille des prêts exceptionnels du Musée d’Orsay, comprenant entre autre des oeuvres de Giacometti, Fernand Léger, Picasso, Chardin, Paul Klee, Tal Coat ou Nicolas de Stael.
Enfin, l’exposition Toros intime prend place sur le plateau d’art contemporain jusqu’au 31 août 2025.
Pour connaitre les horaires d’ouverture du musée et les conditions de visite, il faut se rendre sur leur site internet.
- Musée d’art contemporain de Montélimar : place de Provence, 26200 Montélimar.
L’exposition Genesis de Sebastião Salgado est présentée jusqu’au 24 août 2025.
L’entrée est gratuite pour tous. Les horaires d’ouverture sont disponibles sur le site internet de la ville de Montélimar.
- Centre du Patrimoine Arménien : rue Louis Gallet, 26000 Valence.
L’exposition temporaire L’Arménie du sacré à l’épreuve du temps est visible jusqu’au 1er février 2026.
Le parcours permanent est accessible à partir de 7/8 ans à l’aide des outils de médiation dédiés aux enfants. Si la thématique peut sembler « dure », elle est abordée avec finesse et discernement pour ne pas heurter les plus jeunes publics.
Le programme des ateliers, mais aussi des spectacles et des conférences, ainsi que les conditions de visite sont disponibles sur le site internet du Centre du Patrimoine Arménien.
- Fêtes nocturnes de Grignan : dans la cour du château, 26230 Grignan.
Le Barbier de Séville est joué tout l’été, jusqu’au 23 août. La représentation commence à 21.00. Il est possible de profiter du coucher de soleil sur les terrasses du château avant. La réservation est indispensable.
Il est possible de profiter d’une restauration légère au café Louis-Provence dans le bosquet avant le spectacle et d’y prendre un rafraichissement ou une boisson chaude après.
Si vous souhaitez diner au restaurant avant le spectacle, je vous conseille de réserver. Nous ne l’avions pas fait et nous avons eu beaucoup de chance de trouver encore une table (pour 2) en faisant le tour des restaurants à 18.30. Il est aussi possible si on vient avec son pique-nique de s’installer dans l’herbe aux abords du village.

Pour ceux qui aimeraient avoir des idées supplémentaires
J’ai bien entendu repéré d’autres propositions pour la suite de l’été, et même le début de l’automne, dans la région. J’ai en particulier noté :
- Bruno Catalano – Traversée Commune au centre d’art de Crest, jusqu’au 5 octobre 2025. L’artiste qui installe ses Voyageurs dans le monde entier a son atelier à Crest.
- L’invitation, de Toros à Pierre-Henri Breyssac au musée de la chaussure de Romans jusqu’au 21 septembre 2025.
- Le Festival sur le Champ à Valence, du 23 au 26 juillet 2025, propose des concerts gratuits avec une programmation très variée.
- Il y a régulièrement des concerts au Palais Idéal du Facteur Cheval, et c’est un lieu absolument magique pour cela (j’y avais assisté à un concert il y a 2 ans).
- La Région des Lumières est de retour à Valence du 19 juillet au 22 août 2025. Des projections monumentales auront lieu sur la façade de la cathédrale. Pour mémoire, il y en avait déjà eu lors de l’hiver 2019/2020 et de l’hiver 2020/2021 sur la cathédrale de Valence et durant l’été 2020 sur la façade du Musée de la Chaussure de Romans.
- [Edit du 16/08/25] Le souffle du Nord est le nouveau spectacle de l’association Upidum. Il aura lieu du 25 au 29 août, chaque soir au domaine de Valsoyo à Upie. J’avais beaucoup aimé Andarta, leur précédent spectacle, et j’ai hâte de découvrir celui-ci.

Drôme – été 2025
A noter : La visite du Centre du Patrimoine Arménien, avec l’aperçu des ateliers qui y ont lieu, a été faite dans le cadre d’un instameet à l’invitation de Valence Romans Tourisme et du Centre du Patrimoine Arménien (collaboration commerciale non rémunérée). Si vous me suivez depuis un moment, vous aurez peut être noté que je vais régulièrement au CPA pour y découvrir les expositions temporaires, toujours qualitatives. Je n’ai pas attendu d’être invitée pour y aller et y retourner. Pour preuve, parmi les dernières expositions du CPA chroniquées par ici, il y en a une par an depuis la migration du blog ici :
- L’aventure photographique des Kasparian (évoquée plus haut dans cet article) en 2021
- Orages de Guillaume Herbaut en 2022
- La guerre après la guerre, en 2020
- Les photographes arméniens dans l’Empire Ottoman, en 2023
- La Terre où est né le Soleil de Julien Lombardi, en 2024





























